L'édredon

Que d’heures perdues à dormir sous les plumes...

Alors que je rêve de les partager avec toi, de froisser les draps, désordonner le lit, jeter les oreillers, et chevaucher ton ventre si doux, mes yeux captivés, capturés, prisonniers volontaires de la lumière des tiens... Rouler, gémir et rire. Parler à peine, juste chuchoter au creux de ton oreille, les mots échevelés, désordonnés, hébétés, que peut encore trouver mon esprit chamboulé par les délices que tu infliges à mon corps étonné, et que ma tête ne comprend pas. Je ne veux pas comprendre, il n’y a rien à comprendre... Il y a juste à rêver, des heures durant, engloutie sous la plume, que tu es encore là, que tu n’es pas parti, que tu vas encore m’anéantir de plaisir, et que demain matin, sur l’oreiller à côté du mien, il y aura ton visage adoré, abandonné dans le sommeil, ou réveillé déjà, m’observant en silence... Mais mon édredon, tu ne l’habites que quelques heures par-ci par-là, entre deux portes, entre deux vies, et je ne sais jamais quand tu reviendras...

Alors, grelottant sous les draps remontés jusqu’au nez, je trompe l’attente et l’impatience... La pile de livres éboulée sur le sol au chevet de mon lit dénonce les compagnons virtuels qui comblent imparfaitement ton absence, en dépit des émois contenus dans leurs pages, aussi blanches que mes draps... Mes doigts effarouchés, pleins de honte et de timidité, s’emploient vainement à imiter la perfection de tes caresses, et ne me tirent que des soupirs... de regret... Mes paupières alourdies de fatigue finissent toujours par se fermer, mon esprit par s’envoler, ou sombrer, dans des rêves plus confus, mais dont tu es toujours la tête d’affiche, seule image aux contours nets dans un décor flouté. Et je dors, des heures durant, rechignant au matin à quitter la chaleur du lit, l’odeur mêlée de nos corps qui flotte encore dans le tissu sali, songeant déraisonnablement que la meilleure façon de passer la journée serait de flâner là, sous l’édredon... mais avec toi !

Toulouse - Janvier 2001